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le tango se corse
19 mai 2006

Tango for import

Hier soir, une amie Argentine, m’a invité à la Confiteria Ideal, pour bavarder et assister à la démonstration de Lorena Ermocida & Osvaldo Zotto. Elle fait partie d’un groupe d’argentins qui s’intéresse au Tango depuis un an environ et qui en sont passionnés comme des Argentins peuvent l’être c’est-à-dire au-delà de la normale. Ils redécouvrent les orchestres de l’époque d’or après être passés par le rock national et se font leur culture avec ce que les médias et les milongas leur proposent. Depuis quelque temps, le tango est de mode chez les jeunes. La ville de BsAs au travers des divers festival, dernièrement du « metropolitano » de tango (voir post du 11 mai) et bientôt du championnat du monde ratisse les éléments oubliés de la nouvelle génération. Parallèlement les médias, au travers par exemple des shows massivement suivis de Marcelo Tinelli, proposent des jeux-concours de danse tango. Mais que ce soit sur la piste de danse ou à la télé, le tango proposé est vraiment, comment dire, « for export » : des couples raides sur leurs ergots, qui dramatisent à outrance leur étreinte, qui porte un masque glacial sur le visage et qui dansent en hérissant toutes les parties de leur corps. Paradoxalement on a l’impression de voir danser des professeurs de salon européens. Ce soir-là, un couple d’enfant de 10 ans qui avait gagné justement un jeu télé constituait l’avant-programme. Les mômes jouaient sans jouer à être des adultes frappés par la malédiction du tango. La fausse gravité dérobait leur insouciance. Au travers de leur imitation exagérée et sur investie de l’adulte, se dessinait de façon très visible le portrait du couple idéal. Ce couple que Lorena et Osvaldo incarneront quelques tandas plus tard. Evidemment, il n’est pas question de remettre en cause leur qualité de danseur. Mais cette fois, dans une Confiteria privée de bons danseurs et livrée à la glorification publique du nouvel orgueil national, leur démo a paru maniérée et théâtrale, comme s’ils voulaient se conformer à l’image que l’on attendait d’eux. Leur chorégraphie était truffée de fioritures rapides qui épatent mais qui sont d’une difficulté et d’un goût douteux. La femme qui mouline des séries de dix boléos avant arrière sur place alors que l’homme ne lui guide rien par exemple ou bien l’homme qui étire démesurément ses pas de héron, sans aucun naturel.
Ces modèles vont sûrement modifier la danse de milliers de débutant et reformer de nouveaux standards. Standards repris par les étrangers comme étant le vrai tango argentin mais qui passe aux yeux de certains comme du « tango for export ».  Dans d’autre domaine, les meilleures productions de l’Argentine passent directement à l’exportation et suscite la jalousie énervée de ceux qui voudraient en bénéficier (Viande, récolte, lait, métaux précieux …). Peut-être se passe-t-il la même chose pour le tango. La pression économique pousse les meilleurs danseurs vers l’extérieur et les autres, ceux qui restent, font l’objet d’un culte compensatoire démesuré.
Heureusement, il reste tout de même Gustavo et Giselle et quelques pibes talentueux.

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