Jedaïs
Deux exemples de carrières extra-terrestres réussies
Festival Guitarras del mundo à nouveau. Mais hier soir, rien ne pouvait
laisser présager de ce qui allait se passer. D’abord, les frères
Flores, exilés à Paris, de retour sur leurs terres. Le duo accordéon
& guitare donne un répertoire de chamamé. Leur musique s’est
parisianisée, c’est-à-dire à la fois féminisée et raffinée. (Je dis
tout de suite que ce n’est pas une saillie type guéguerre OM-PSG, de
toute façon c’est en gros l’image que nous avons ici !). C’est du très
bon. Mais monte alors sur scène Pavel Steidl,
un virtuose tchèque de la guitare baroque. Steidl c’est un peu maître
Yoda qui utilise LA FORCE pour atomiser le public portègne, non pas
avec une épée laser double face mais avec une guitare en bois d’arbre.
Non seulement il ressemble au maître Jedaï, mais en plus il fait les
mêmes bruits de tuyauterie à l’agonie tout en jouant. Il est stupéfiant
mais bon évidemment quand on a 3000 ans et qu’on vient d’une autre
planète …
Le concert se termine dans la folie générale par une “ lambada para
lisa ” (enfin du moins c’est ce que j’ai compris mais je ne parle
aucune langue extra-terrestre). Tout le monde crie “ Genio ”, “ No te
vayas ”, “Al colon ”, enfin bref le délire total.
Le concert se termine juste pour aller à la practica X tenue ce soir
par Carla Marano, une neo-chica, open-mind, arc-en-cielisée et
déconstructiviste. Elle est la partenaire/assistante de Mauricio Castro
de TangoDiscovery. À un moment, elle s’aventure à passer une sorte de
jazz-rock latin avec des synthés demandant aux danseurs d’utiliser
d’autres abrazos (type salsa). Bon tout le monde essaie. Le gros
problème étant de ne pas fracasser le nez de sa/son partenaire d’un
coup de coude. Tout à coup, une petite bonne femme, l’équivalent
féminin de Yoda de plus de 3000 ans elle aussi, avec des lunettes type
“ culs de bouteille ” arrive à pas menus, et arrête la musique. Elle
aurait très bien pu pulvériser la totalité de l’équipement par une
simple passe télépathique mais elle se borne à débrancher le CD. C’est
ça la maîtrise des jedaïs. Elle explique qu’ici on est dans la maison
du tango (dont Pugliese a été le président, d’ailleurs, à la réflexion,
elle lui ressemble un peu), et qu’on passe du tango et rien que du
tango. Chacun sait que les jedaïs sont exquis mais qu’ils peuvent virer
au taquin et utiliser le côté obscur de la force pour vous transformer
en garniture d’empanadas aussi personne n’insiste.
Le bruit court que ce soir, à Canning, il y a Narcotango. Bon, je les ai vus, il y a pas longtemps, mais comme un groupe sympas se forme… A l’épreuve de la danse, finalement c’est pas tout à fait ça. Seuls quelques titres sont universellement dansables , certains sont carrément limites. Peut-être à la Viruta, c’aurait été différent. Mais Canning, c’est tout de même 20 % d’un noyau dur de fondamentalistes du tango qui dansent sur pratiquement rien et 50 % d’un noyau mou de touristes qui dansent sur pratiquement tout.