Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le tango se corse
27 septembre 2006

Retour sur le mundial de tango (Part II)

Les chiffres montrent clairement que ce festival est un succès populaire. Son but est double : à la fois fédérer les Argentins sur leur patrimoine et d’autre part, focaliser la communauté mondiale sur BsAs “ capitale du tango ” .  Force est de reconnaître que ces deux objectifs sont atteint. Chaque année, puisqu’il s’agit de la 4 ième édition, l’engouement croît. De nouveaux danseurs se jettent sur la piste et de nouveaux touristes se jettent dans les avions.
Alors où est le problème ?
Oh rien de bien méchant mais tout de même :

Il y a abus de langage sur le mot “ Mundial ” .
Dans toutes les disciplines où existe un Mundial (le mot est d’ailleurs clairement relié dans l’esprit de tous au foot qui est une seconde religion ici), les meilleurs sont censés se disputer le titre. Or ici, aucun des grands maestros n’a pris part à la compétition. Le titre attribué perd totalement son sens. D’ailleurs qui connaît le vainqueur de l’année dernière ? La raison principale en est sûrement l’indigence de la dotation : 5000 pesos pour le couple primé, c’est 625 € pour chaque danseur, autrement dit une misère au regard des dépenses somptuaires en matière d’organisation et aussi en considération du lustre que ce concours octroie à la ville. Il faut aussi savoir, qu’en parallèle du mondial, existe un véritable marché avec des dizaines de boutiques tango et un nombre substantiel de sponsors. Que se passerait-il si la dotation était de 100 000 dollars ? (À titre de comparaison, il s’agit d’une dotation d’un concours d’échecs moyen). On aurait alors droit à un autre spectacle. Il est vrai que ça ne simplifierait pas les problèmes de pots-de-vin qui sont très courants ici. Le rédacteur en chef de B.A. Tango, Tito Palumbo en fait état pour cette édition du championnat dans son éditorial d’août.

Le Mundial impose un modèle de tango discutable.
Le Mundial s’adresse principalement aux touristes et aux nouveaux venus dans le monde du tango. Il n’empêche que l’image que ceux-ci ont de la danse va directement impacter l’orientation de leur goût. Le contrecoup est d’autant plus grand qu’il est relayé par une puissante machine médiatique. Mais l’effet le plus pervers est que ce modèle s’impose et ne peut plus être ignoré, y compris de ceux qui ne l’adoptent pas et qui devront se définir par rapport à lui. Ainsi on peut, au fil du temps, noter que le tango de scène, dans ses extravagances formelles, a filtré dans le tango « de tous les jours ». Et que les tangueros, qu’ils le veuillent ou non, dans leur « inconscient de danseur », doivent faire face, avec plus ou moins de stoïcisme, à ce spectre prédateur.
L’autre problème de taille est que l’appréciation du danseur est purement extérieure. Or le tango se danse à trois. Il y a, certes, celui qui regarde mais il y a surtout ceux qui « forment le nid ». Il est évident qu’il y a danger à juger uniquement de l’extérieur. En faisant appel à Pierre Bourdieu (La domination masculine, 1998), on pourrait aussi dire qu’il s’agit d’une image andro-centrique du tango. Souvent les femmes parlent de danseurs en termes de sensation de mouvement, en termes de perception corporelle. Les hommes ont plutôt tendance à privilégier le visuel. Or c’est cette dernière dimension qui domine particulièrement dans ce type de concours. Le risque direct est de voir la danse se désincarner pour devenir un ersatz de patinage artistique sans les patins et sans la glace.

Le tango est utilisé comme vecteur politico-culturel.
Le pouvoir en place utilise le tango, comme il utilise le foot ou n’importe quel sport c’est-à-dire pour s’affirmer et dorer son image. Evidemment, le gouvernement en place n’est pas le pire, mais enfin si c’était un autre, ce serait pareil ! On sait le rôle joué par la coupe du monde de foot de 78 pour boulonner au pouvoir la junte militaire. Le tango est désormais un phénomène de masse. Il rend les foules heureuses et l’on peut alors plus facilement les rouler dans la farine.

En fait, ce mondial n’est pas une cause mais une conséquence. Il mesure le degré de popularité du tango qui est devenu un négoce de masse utilisé à son avantage par l’appareil polico-culturel. Un phénomène de masse a tendance à créer une culture dominante qui tend à étouffer les autres. En revanche, elle offre la possibilité d’une résistance, d’une contre-culture disons underground et elle pousse naturellement ceux qui s’y opposent à une forme de snobisme  bien porteño.

Publicité
Publicité
Commentaires
M
c'est bien possible.<br /> Le problème c'est que dans les deux cas, tango et équitation, on possède une image extérieure et on se bricole une attitude et une pensée à partir de ça et d'expériences ponctuelles. Il faudrait faire appel à des spécialistes de l'équitation pour avoir une vision plus profonde et plus juste du rapport entre le cavalier et le cheval. On serait sûrement surpris, comme c'est le cas dans le tango, par les contre-sens que l'on commet à la simple vision des choses. Sur le prétendu "machisme" du cavalier vis à vis de sa monture, par exemple ...
L
Salut Marc, content que tu sois de retour dans mes foyers...<br /> Ca nous manquait.<br /> Je vais te confier un secret. Je ne sais pas si Bourdieu en parle... ;c)<br /> Tu connais l'importance de la figure du gaucho dans la culture du Rio de la Plata. <br /> Mon secret est que je soupçonne que la conduite de la femme dans le tango vient directement de la conduite du cheval...<br /> Je ne le dis pas souvent parce que je suis le contraire d'un mysogine,- plutôt un féministe anti-macho acharné-, et je ne voudrais pas vexer mes amies ni leur casser l'image du cavalier (c'est le cas de le dire...) argentin qui sait tellement bien les "marcar"; encore moins donner des idées aux machos de service.<br /> Mais a mon avis le danseur de tango, au moins celui du debut, conduit la partenaire comme il conduisait le cheval qui l'emmenait jusqu'à la porte de la milonga...
le tango se corse
Publicité
Archives
Publicité